mardi 30 octobre 2012

Camus, Pasolini, éthique et esthétique du football





Pasolini ballon au pied...




« Senza cinema, senza scivere, che cosa le sarebe piaciuto diventare ? Un bravo calciatore. Dopa la letteratura e l’eros, per me il football é uno dei grandi piaceri »
« Sans le cinéma, sans l’écriture, qu’aurais-je aimé devenir ? Un joueur de football. Après la littérature et l’éros, pour moi le football  est un des plus grands plaisirs »
                                                                                        Pier Paolo Pasolini

Avec Camus, Pasolini partage la passion du football, une passion rare chez les intellectuels de leur époque. Elle en dit parfois long sur leur conception de la morale, de l’étique et  de l’esthétique. Camus était goal, car enfant, trop pauvre, il ne pouvait pas user ses chaussures. Pasolini lui jouait arrière droit avec un certain talent.
« Je ne savais pas que vingt  ans après dans les rues de Paris ou de Buenos aires (oui ça m’est arrivé)  le mot RUA prononcé par un ami de rencontre ne ferait battre le cœur le plus bêtement du monde ». Camus est un homme de fidélité, le Racing Universitaire Algérois ne fait pas exception. Il  y joua jusqu’ à l’âge de 17 ans, une tuberculose interrompu sa carrière. Le RUA était un club plutôt élitiste, mais ouvert à toutes les couches de la population, un club mixte qui acceptait les musulmans. Camus explique : « On jouer dur avec nous. Des étudiants, fils de leurs pères, ça ne s’épargne pas. Pauvres de nous, à tous les sens, dont une bonne moitié était fauché comme les blés ! » 
 Arrivé dans la métropole, il supporte le Racing Club De Paris pour des raisons des plus évidentes : « Je puis bien vous avouer que je vais voir les matchs du Racing club de Paris ; dont j’ai fait mon favori, uniquement parce qu’il porte le même maillot que le RUA, cerclé de bleu et blanc. » Mais il ajoute plus finement : « il faut dire d’ailleurs que le Racing a un peu les mêmes manies que le RUA. Il  joue « scientifiquement » comme on dit, et scientifiquement, il perd les matchs qu’il devrait gagner. »
« Vraiment le peu de morale que je sais, je l’ai appris sur les terrains de football et les scènes de théâtre qui resteront mes vraies  universités ».  Chez Camus la passion du football est avant tout morale. Elle est à l’image de son œuvre où l’absurde et le destin restent implacables. «J’ai appris tout de suite qu’une balle ne vous arrivait jamais du côté où l’on croyait. Ca m’a servi dans l’existence et surtout dans la métropole où on n’est pas franc du collier.»
Face à la passion de Camus pour les deux Racing et leur jeu scientifique, on peut opposer l’admiration de Pasolini pour le jeu plus artistique de l’équipe nationale brésilienne de 1970 qui conquit  le titre de champion du monde face à l’Italie. « Le football est l’ultime représentation sacré de notre temps. Il est le rite de la fin, même si vous échapper. Alors que d'autres représentations sacrées, même de masse, sont en déclin, le football est l’unique restant. Le football est le spectacle qui s’est substitué au théâtre. »
 « Le football est un système de signes donc un langage. », une conception sémiotique que Pasolini va développer très loin. Il met en évidence des joueurs  prosateur et des poètes : Bulgarelli « prosateur réaliste » ; Riva un « poète réaliste » et Corso « un poète un peu maudit ».  Cette dichotomie prose-poésie Pasolini la retrouve dans la confrontation entre l’Italie et le  Brésil. 
Le célèbre catenacio (cadenas) ou triangulation de la squadra azzura  est un football de prose, car il est basé sur la synthèse, le jeu collectif, le code. Le seul moment poétique reste la contre attaque, le contre pied. Ce jeu s’oppose à celui de la selecção. Il est plus poétique puisque c’est du drible que né la poésie pour Pasolini. L’équipe brésilleine peut marquer à tout moment, de toutes les positions grâce à ses talentueux dribleurs. Le moment le plus poétique restent le but. Tout but est une invention, une subvertion des codes.
Mais pour Pasolini, plus que le jeu pour le jeu ou l’art pour l’art, conception flauberdienne du football, le sublime du jeu brésilien vient de la réconciliation entre efficacité et beauté du geste. Une conception kantienne de l’esthétique qu’il synthétise dans son expression “gol fatal”. Chez Kant le sublime n’est pas possible dans l’art. Le ‘fatal gol’ dépasserait la notion d’oeuvre d’art, il n’est pas imitation de la nature ni simple objet de plaisir. Il devient par sa finalité que l’homme lui porte par son regard aussi digne d’admiration que la nature. C’est en cela que le “fatal goal” est sublime.



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